Les vétérinaires comportementalistes et zoopsychiatres divisent une séquence comportementale en trois phases : une phase appétitive, une phase consommatoire et une phase d'apaisement avec un signal d'arrêt
Cette vision comportementale, dérivée
de l'éthologie
cognitive, est appelée éthologie clinique.
Contrairement aux éthologistes classiques qui réduisent les comportements en item comportementaux
les plus simples possibles - action pattern - et décrivent des séquences
comportementales (behavior pattern) relativement complexes, nous avons une
vision des séquences comportementales plus transposables en éthologie
clinique.
Séquence comportementale
Prenons l'exemple de la prédation chez le chien qui nous servira de guide.
Phase appétitive
Prédation
1. L'animal est au repos (état initial).
2. La faim (stimulus de l'hypoglycémie) augmente sa vigilance et perturbe son état initial (modification de l'homéostasie).
a. Le chien affamé perçoit un lapin, proie qu'il connaît pour en avoir déjà consommé.
Cette précision est importante : cela veut dire que l’animal a appris que cet animal était une proie.
b. Ce stimulus est dit " stimulus appétitif ", i.e. stimulation plaisante, agréable, désirable, qui tend à la satisfaction, dont l'animal veut se rapprocher ou qui provoque des sensations ou des réponses de bien-être ( stimulus appétitif).
c. Ce stimulus appétitif, perçu dans un contexte de motivation alimentaire, i.e. dans un état réactionnel adéquat, a une forte intensité d'évocation, c’est-à-dire envoie une consigne claire au cerveau.
En effet, si le chien est repu, le lapin ne provoquerait pas cette montée en tension.
Phase appétitive de la prédation
(vetopsy.fr d'après
istockphotos.com)
3. La
phase appétitive va provoquer l'approche, l'attaque et la mise à
mort de la proie.
Elle modifie le stimulus initial (proie vivante) en un autre
stimulus (proie morte) qui prépare et déclenche l'acte central
de la séquence comportementale, i.e. t la phase consommatoire, qui porte bien son nom dans le comportement alimentaire.
Généralisation aux autres comportements
En généralisant aux autres comportements, Immelmann décrit les comportements appétitifs ainsi : « comportements de recherche,
aspirations actives vers une situation stimulante déclenchante…
qui tendent vers l'exécution d'un acte consommatoire ou la rencontre
d'un individu, d'un objet ou d'un endroit. »
1. Les comportements appétitifs sont des comportements exploratoires (orientation,
positionnement…) souvent acquis par apprentissage par imitation.
Par exemple, chez les félins, les parents
apprennent aux petits à chasser en ramenant des proies vivantes pour
qu'ils puissent apprendre à les attraper et à les tuer ( apprentissage de la prédation chez le chat).
Certains
comportements appétitifs sont :
locomoteurs sont sans " but précis "
et concourent tout de même à atteindre un but de manière
aléatoire,
non locomoteurs comme les animaux qui se camouflent
pour attendre leurs proies, comme la mante
religieuse ou le caméléon.
Ces comportements, qui peuvent durer longtemps, n'influencent en aucune
façon la motivation.
2. Les éthologistes sont partagés sur le fait de savoir quels
sont les comportements qu'on peut définir d'appétitifs dans
les comportements complexes.
David
MacFarland décrit le comportement de la construction du nid chez
le merle qui nécessite plusieurs sortes de brindilles (longues
et courtes) pour la base et les bords et de la boue et des poils pour le
fond.
Merlette construisant son nid
(Photo : maartmeester)
Est-ce que la recherche de chaque brindille est un comportement appétitif
pour le placement dans le nid qui serait le comportement consommatoire
?
Est-ce tous les allers-retours sont considérés comme des
comportements appétitifs dont le comportement consommatoire serait
la construction du nid ?
3. Dans les comportements sociaux complexes, la phase appétitive peut être être considérée comme une phase d'identification qui amène l'animal à proximité immédiate de la cible pour déterminer son identité afin que les actions appropriées puissent être prises. Elle peut être alors subdivisée en trois phases ( comportements sociaux) :
la phase de détection,
la phase d'approche,
la phase d'investigation.
Nous, vétérinaires comportementalistes et zoopsychiatres, considérons
que ce qui précède le comportement consommatoire, appelé,
chez nous, phase consommatoire et acte central du comportement décrit,
est la phase appétitive de la séquence comportementale.
Phase consommatoire
1. La phase consommatoire, acte consommatoire des éthologues
et acte central de la séquence comportementale, dans ce cas, l'ingestion
de la proie, permet la satisfaction de la motivation (ici, la faim).
Le stimulus transformé (lapin consommable) est bien celui qui est capable de déclencher sa consommation.
Phase consommatoire de la prédation
Ces phases consommatoires sont souvent plus
stéréotypées que les phases appétitives façonnées,
en règle générale, par l'expérience.
Immelmann décrit l'acte consommatoire ainsi : « coordination
motrice héréditaire sur laquelle débouche une séquence
de comportements appétitifs. »
2. Au départ, Charles
Scott Sherrington (1857-1952) et Wallace
Craig (1876-1954) pensaient que l'acte consommatoire épuisait
une sorte d'énergie " interne " d'où les
phases suivantes (phase de stabilisation et phase réfractaire) en
se référant aux potentiels d'actions des neurones.
Cette énergie
se reconstituerait ensuite progressivement et le cycle recommencerait selon
le modèle hydraulique de Konrad
Lorenz (1903-1989).
Nous savons, à l'heure actuelle, que la motivation dépend de très nombreux facteurs.
3. La phase consommatoire peut également être
la phase appétitive d'un autre comportement !
Un animal qui a mangé peut avoir soif.
Phase d'apaisement, de stabilisation ou de satiété
Nous, vétérinaires comportementalistes et zoopsychiatres, considérons
que la phase d'apaisement, de stabilisation ou de satiété, suivie par le signal d'arrêt, ramène
l'animal à l'équilibre (animal au repos).
Cet état d'équilibre diffère légèrement de celui du départ car l'animal aura engrangé une expérience supplémentaire.
Phase d'apaisement de la prédation
(Photo : sashomasho)
1. Dans ce cas, c'est la satiété
qui découle de l'ingestion qui constitue la phase d'apaisement.
a. Par contre, l'animal peut encore ingérer
de la nourriture et comme dit MacFarland : « La satiété
n'est pas le degré zéro de la faim ! »
b. C'est pourquoi, nous ne décrivons pas, comme
en neurophysiologie, une période réfractaire pendant laquelle un comportement
identique n'est plus possible.
2. L'interruption de la séquence est un des éléments les plus importants sur les plans fonctionnels et clinique.
Que déduisons-nous de la structuration de cette séquence comportementale ?
1. Tout le long de la séquence comportementale,
le stimulus initial est modifié : dans ce cas, proie vivante, proie
morte, aliment.
Le déclenchement de chaque phase est dépendant de l'exécution
de la phase précédente.
2. A chaque étape de la séquence, une régulation
peut intervenir en fonction des événements.
Dans la prédation, si la proie fait le mort,
le processus de chasse peut s'arrêter là (immobilité).
Dans les agressions, si la phase de menace, période appétitive, a fait reculer le danger, la séquence comportementale saute la phase consommatoire.
Le processus de déroulement de la séquence comportementale
est complexe et tributaire d'un développement comportemental satisfaisant.
3. Enfin, la présence d'un signal d'arrêt
est essentielle.
Si l'animal ne l'intègre pas dans sa séquence,
il tournera en boucle, comme dans le cas des animaux hyperactifs qui ne s'arrêtent
jamais ou presque ( déficit des autocontrôles).
La séquence comportementale est donc un processus complexe, régulé à chaque phase, et apprise sous cette forme structurée par l’animal.
Séquence comportementale de prédation
(Figure : vetopsy.fr)
1. Ce processus est tributaire d'un développement comportemental satisfaisant qui dépend des expériences vécues par l'animal dans la période de socialisation.
Par exemple, si l'environnement n'a pas été suffisamment stimulant pendant cette période, l'animal sera sujet à toutes sortes de phobies, et en particulier aux phobies sociales.
La mère doit être équilibrée et l'attachement " secure " : le chiot ou le chaton est alors capable d'explorer l'environnement en toute confiance en sachant qu'il est protégé de tout ce qui peut être dangereux.
Cet attachement secure est capital dans les capacités futures du jeune à créer des liens apaisants avec ses congénères ( socialisation intraspécifique), mais, contribue également à en tisser avec d'autres espèces, et en particulier, l’homme ( socialisation interspécifique).