Un nucléophile (qui aime les noyaux, donc les charges positives) est un composé chimique attiré par les espèces chargées positivement : il donne une paire d'électrons à des composés électrophiles pour former une liaison chimique.
Acides aminés impliqués dans l'attaque nucléophile
(Figure : vetopsy.fr)
Un électrophile est un composé chimique déficient en électrons : il possède une charge élémentaire positive ($\ce{e+}$) ou une charge partielle ($\ce{δ+}$). Il attaque les aires riches en électrons comme les liens $\ce{C=C}$.
Un radical libre possède un électron libre qu'il veut apparier à un autre et est donc très réactif chimiquement avec d'autres composés : c'est la troisième forme d'attaque classique, mais qui n'intervient pas dans les protéases.
Attaque par un
résidu nucléophile
Vue d'ensemble
Cette attaque nucléophile peut être effectuée par un résidu d'acide aminé comme la cystéine (C), la sérine (S) ou la thréonine (T).
Les triades les plus classiques sont Ser-His-Asp, Cys-His-Asp.
2. Ce mécanisme est retrouvé dans au moins 23 superfamilles distinctes et est l'un des mieux étudiés en biochimie.
Déprotonation du résidu nucléophile
Vue d'ensemble
Triade catalytique de la chymotrypsine
(Figure : vetopsy.fr d'après Yikrazul et Richardliu12)
Le résidu nucléophile est polarisé et déprotonaté par la base (en général l'histidine, mais aussi quelquefois, la lysine ou le groupe amide dans les protéases à thréonine) qui accroît ainsi son activité (dépronation et pKa).
La base est stabilisée par une liaison hydrogène par l'acide qui est, dans les conditions normales de pH, l'acide aspartique (aspartate) et l'acide glutamique (glutamate).
Cette liaison oriente correctement la base pour inhiber la rotation de toute la chaîne et de la placer dans une position adéquate à la polarisation du résidu nucléophile.
Ce résidu n'est pas indispensable dans certaines protéases car l'histidine peut être orientée d'une autre manière, par exemple par l'asparagine dans la papaïne, ou une molécule d'eau pour certaines protéases de virus (hépatite A).
Mécanisme
Le mécanisme est le suivant.
1. Le nucléophile force l'oxygène du groupe carbonyle ($\ce{C=O}$) à accepter un électron, conduisant à un premier intermédiaire tétraédrique.
2. Un intermédiaire acyl catalytique (ou intermédiaire acyl-enzyme) est formé dans lequel le groupe carboxyle ($\ce{-C(=O)OH}$) est lié de manière covalente au nucléophile catalytique après le clivage du reste du substrat protonaté par la base.
Attaque nucléophile
(Figure : vetopsy.fr d'après Thomas Shafee)
Cet intermédiaire est stabilisé par des résidus donneurs d'hydrogène, qui forment un trou oxyanion.
Un trou oxyanion est une cavité dans la structure d'une enzyme qui stabilise un atome d'oxygène ou un alcoolate (alkoxide) déprotoné, souvent en le plaçant à proximité d'un résidu chargé positivement.
Cette poche est le plus souvent formé d'amides ou de résidus chargés positivement.
3. Puis, cet intermédiaire acyl catalytique est attaqué par un autre substrat pour former un second intermédiaire tétrahédrique qui éjectera le nucléophile pour régénérer la protéase et libérer le produit. Ce second substrat peut être :
une molécule organique qui se transfère au produit : la protéase agit alors comme une transférase, dans ce cas une acyltransférase.
Attaque par une molécule d'eau
Vue d'ensemble
L'attaque nucléophile peut être effectuée par une molécule d'eau activée (protéases A, M, G) pour former un ion hydroxyde ($\ce{OH-}$) qui est alors capable d'attaquer la liaison isopeptidique.
Dans le cas des métalloprotéases, c'est un cation divalent, en général $\ce{Zn++}$, qui active $\ce{H2O}$.
L'ion métallique est maintenu en bonne place par des résidus d'acides aminés, en général 3 dont les plus fréquents sont l'histidine, le glutamate, l'aspartate ou la lysine.
La liaison tétraédrique de $\ce{Zn++}$ est complétée par une molécule d'eau nucléophile (W pour water ou $\ce{H2O}$).
Le substrat déplace les hydrogènes de $\ce{H2O}$) vers Glu143, tandis que l'oxygène de $\ce{H2O}$) reste associé à $\ce{Zn++}$ : le complexe enzyme-substrat (ES) est formé par$\ce{Zn++}$ associé à l'oxygène de l'extrémité du substrat.
Glu143 polarise $\ce{Zn++}$ et permet l'attaque nucléophile du groupe carbonyle du substrat par l'O de $\ce{H2O}$) associé à $\ce{Zn++}$ (cf. voie acide/base sur la figure ci-dessous).