Transformisme et évolutionnisme
Connaissances au XIXe siècle : échelle des êtres et âge du monde

Citation

« Ainsi, la nature passe, par des degrés tellement insensibles, des êtres sans vie aux animaux, que la continuité nous cache la commune limite des uns et des autres, et qu'on ne sait auquel des deux extrêmes rapporter l'intermédiaire. »

Aristote

Sommaire
  1. Connaissances au XIXe siècle
    1. Echelle des êtres
    2. Age du monde et création biblique
    3. Notion d'espèce
    4. Plans d'organisation et homologie
    5. Génération spontanée
    6. Reproduction et développement
      1. Panspermie et préexistence des germes
        1. Antiquité et Moyen Age
        2. Monadologie et molécules organiques
      2. Préformation
        1. Théorie de la préformation
        2. Animalculistes ou spermatistes
        3. Ovulistes ou ovistes
      3. Epigenèse
        1. oeuf des mammifères
        2. Epigenèse
      4. Conclusion générale
  2. Transformisme et évolutionnisme
    1. Question de sémantique
    2. Antiquité
    3. Moyen Age musulman
    4. Avant Darwin
      1. Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788)
      2. Erasmus Darwin (1773-1802)
      3. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844)
      4. Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829)
        1. Lamarck naturaliste
        2. Concept de transformisme
        3. Causes de la transformation des espèces selon Lamarck
    5. Charles Darwin (1809-1882)
      1. Charles Darwin à Shrewsbury (1809-1825)
      2. Charles Darwin à Edimbourg (1825-1828)
      3. Charles Darwin à Cambridge (1828-1831)
      4. Voyage de Darwin sur le Beagle (27 décembre 1831- 2 octobre 1836)
        1. Travaux à bord du Beagle : géologie
        2. Travaux à bord du Beagle : zoologie
        3. Travaux à bord du Beagle : écriture du journal
      5. Charles Darwin avant la parution de l'Origine des Espèces (1836-1859)
        1. Vie de Charles Darwin entre 1836 et 1859
        2. Genèse de l'Origine des Espèces
        3. Rédaction de l'Origine des Espèces
        4. Darwin et Wallace
        5. Présentation de l'Origine des Espèces devant la société linéenne (1858)
        6. Succès et polémiques autour de l'Origine des Espèces
      6. Charles Darwin après la parution de l'Origine des Espèces (1859-1882)
        1. Ouvrages de Darwin après l'Origine des Espèces
        2. Réflexions de Darwin sur lui-même
        3. Conclusion de la vie de Darwin d'Henry de Varigny
      7. Théorie de l'évolution
        1. Textes de la théorie de l'évolution
        2. Idées fortes à retenir
      8. Questions de races
        1. Darwin et la question raciale
        2. L'eugénisme et le darwinisme social
        3. Vision actuelle
      9. Darwin et la religion
    6. L'évolutionnisme après Darwin
      1. Développement de la génétique
      2. Théorie synthétique de l'évolution ou néodarwinisme
      3. Théorie neutraliste et quasi-neutraliste
      4. Théorie des équilibres ponctués
  3. Classification phylogénétique et systématique génétique
    1. Cladistique
    2. Phénétique et phylogénie moléculaire
    3. Gènes de développement et systématique génétique
  4. Fixisme et créationnisme
    1. Théorie du fixisme
    2. Résumé des idées fixistes
    3. Fixisme avant Darwin
      1. Carl von Linné (1707-1778)
      2. Georges Cuvier (1769-1832)
      3. Autres savants
    4. Darwin et Agassiz
      1. Darwin et ses " petits " mensonges
      2. Louis Agassiz (1807-1873) : adversaire obstiné de Darwin
    5. Darwin et les Chrétiens
      1. Chrétiens proches de Darwin
      2. Le fixisme aujourd'hui

Bibliographie

Pour comprendre le courant transformiste et évolutionniste dans les sciences naturelles, il nous faut tout d'abord envisager les forces en présence lorsque Charles Darwin (1809-1882) écrivit ce « maudit livre » qui l'a « presque tué » : " l'Origine des Espèces " en 1859 ( infos), cinquante ans tout juste après la " Philosophie zoologique, ou Exposition des considérations relatives à l’histoire naturelle des animaux.. " où Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) expose ses vues sur sa théorie de transformation des espèces.

A cette époque, deux grands courants s'opposent :

  • Echelle des êtresle fixisme ( infos) qui était de loin le plus répandu,
  • le transformisme ( infos) qui commençait à prendre de l'importance, bien que fortement minoritaire.

Il nous faut d'abord expliciter quelques " vérités " de l'époque.

Echelle des êtres

L'échelle des êtres ( infos), depuis l'Antiquité, a toujours été ressentie intuitivement par toute personne s'intéressant un tant soit peu à la nature : certains êtres sont simples et d'autres plus complexes.

Cette échelle des êtres, sans aucune ramification, commence par les quatre éléments, continue par la matière inanimée (minéraux), les végétaux, puis les animaux pour finir à nous, les hommes, qui nous considérons, sans modestie, comme le maillon ultime de l'évolution. Dieu nous a-t-il pas créé à son image ?

Bien que cette échelle soit connue depuis l'Antiquité, c'est Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), puis Charles Bonnet (1720-1793) qui l'impose en biologie grâce à ses livres " Considérations sur les corps organisés " écrit en 1762 ( infos), et, en 1769, " la palingénésie philosophique ou idées sur l'état passé et l'état futur des êtres vivans " ( infos).

  • Il défend la théorie selon laquelle les germes qui donnent toutes les formes de vie sont préexistants et ont été créés par Dieu ( infos).
  • Il attribue également une âme immortelle aux hommes et aux animaux.

Cette échelle des êtres reste contemporaine de la " classification naturelle " chère à Carl von Linné (1707-1778).

« L'échelle des êtres n'est pas plus récente que celle de la prééminence de l'homme; elle aussi remonte tout au moins jusqu'à Aristote (382-324 av. JC), qui, sans en faire l'objet d'une théorie spéciale, l'a bien des fois laissée entrevoir. C'est qu'elle se présente infailliblement à la raison même. quand la raison ne porte que des regards superficiels sur les êtres animés; entre eux, il y a des affinités, des analogies, des ressemblances, qui frappent tout d'abord; et après quelques rapides observations, on est obligé d'introduire un certain ordre entre tous ces êtres, non pas seulement pour les discerner, mais parce que les uns Jules Barthélemy-Saint-hilairesemblent, de toute évidence, subordonnés à d'autres, plus parfaits qu'eux. De l'homme, on descend nécessairement aux quadrupèdes; des quadrupèdes, aux oiseaux; des oiseaux, aux reptiles, aux poissons, aux insectes. C'est cette première vue de l'esprit humain, sur les réalités qu'exprime Aristote, quand il dit par exemple : " La nature passe des êtres sans vie aux êtres animés par des nuances tellement insensibles que la continuité nous cache la limite commune des uns et des autres, et qu'on est embarrassé de savoir auquel des deux extrêmes on doit rapporter l'intermédiaire. Ainsi, après la classe des êtres animés, vient d'abord celle des plantes. Déjà, si l'on compare les plantes entre elles, les unes semblent avoir une plus grande somme de vie que certaines autres ; puis, la classe entière des végétaux doit paraître presque animée comparativement à d'autres corps; mais en même temps, quand on la compare à la classe des animaux, elle parait presque sans vie. D'ailleurs, le passage des plantes aux animaux présente si peu d'intervalle que, pour certains êtres qui habitent la mer, on hésite et l'on ne sait pas si ce sont vraiment des animaux ou des plantes. Ainsi, l'éponge produit absolument l'effet d'un végétal; mais c'est toujours par une différence très légère que ces êtres, les uns comparés aux autres, semblent avoir de plus en plus la vie et le mouvement. " (Aristote, Histoire des Animaux, liv. VIII, ch. 1, § 4.). » Préface de Jules Barthélemy-Saint Hilaire (1805-1895), écrite en 1883 de " l'Histoire des Animaux " d'Aristote ( infos)

Age du monde et création biblique ( infos)


Création du monde De nombreux auteurs s'étaient penchés sur l'âge du monde, c'est-à-dire à l'époque de la création biblique que peu remettait en cause.

Au XVIe siècle, l'archevêque anglican James Ussher (1581-1656) calcula que la terre a été créée en le 23 octobre 4004 avant J.-C. On comprend qu'en ce cours laps de temps, les espèces ne pouvaient pas évoluer !

En 1735 déjà, Benoît de Maillet (1656-1738) dans son " Telliamed " ( infos) estime que la terre a plusieurs millions d'années.

Cette oeuvre, très intéressante à lire, présente des idées qu'on retrouvera dans le transformisme de Lamarck ( infos).

Georges-Louis Leclerc, conte de Buffon (1707-1788), dans son livre " Théorie de la terre ", livre I de son histoire naturelle de 1749 ( infos), estime que la terre a environ 74 832 ans, par le calcul du temps de refroidissement des boulets portés au rouge.

  • Mais, à la même époque, il écrit dans ses carnets que les obstacles à l’émission de la chaleur varient moins avec la taille des corps qu’il ne l’avait d’abord supposé.
  • « Cela seul aurait augmenté dix fois plus notre échelle et m’aurait donné dix millions d’années au lieu de 600.000 pour la durée de notre époque » ( infos).


Cette idée d'une création de la terre bien plus ancienne que le temps biblique ouvrira la porte à la notion d'évolution lente des espèces.

Notion d'espèce

Connaissances au XIXeEchelle des êtresAge du mondeNotion d'espèce
Plans d'organisationGénération spontanéePanspermiePréformation
EpigenèseEvolutionnismeFixisme

Bibliographie
  • de Witt Hendrick C.D. - Histoire du développement et de la biologie - Volume, I, II, III - Presses polytechniques et universitaires romandes, Paris, 404, 460 et 635 p., 1992, 1993 et 1994
  • Darwin on line
  • Darwin Ch. - Voyage d'un naturaliste autour du monde - Maspero, Paris, 2 volumes, 251 et 299 p., 1982
  • Rostand J. - Charles Darwin - Gallimard, Paris, 237 p., 1947
  • Conry Y. - Darwin, théorie de l'évolution (textes choisis) - PUF, Paris, 233 p., 1981
  • Thuillier P. - Darwin & C° - Editions Complexe, Bruxelles, 210 p., 1981
  • Eibl-Eibesfeldt I. - Ethologie - Biologie du comportement - Naturalia et Biologica Editions scientifiques Paris, 576 p., 1972
  • Campan R., Scapini F. - Ethologie, approche systémique du comportement - De Boeck Université, Bruxelles, 737 p., 2002
  • Université d'Oxford - Dictionnaire du comportement animal - Robert Laffont, Paris, 1013 p., 1990
  • Immelmann K. - Dictionnaire de l'éthologie - Pierre Mardaga Editeur, Liège, 296 p., 1990