Neurophysiologie de l'olfaction
Transduction olfactive (1)
Physiologiquement, l'olfaction est provoquée par la stimulation de la muqueuse olfactive principale (et d'autres organes accessoires, dont l'organe voméronasal) par une molécule odorante.
Les cellules neurosensorielles olfactives assurent à elles seules, les fonctions de réception, de transduction et de transmission de l'information olfactive.

(Figure : vetopsy.fr d'après Lynch)

La transduction sensorielle est la transformation par une cellule réceptrice d'une forme d'énergie d'un stimulus en une énergie électrique.
Contact entre la molécule odorante
et l'épithélium olfactif
La molécule odorante peut parvenir au contact de l'épithélium olfactif principal (MOE) par deux voies.
1. La voie principle directe, aussi appelée orthonasale, est constituée par la pénétration des odeurs lors de l'inspiration.
2. La voie rétro-nasale est le passage des molécules odorantes par le nasopharynx pendant la mastication ou après une déglutition.
- Lors de l'expiration, l'air ayant été au contact par exemple de l'aliment dégusté, les composés volatils sont propulsés au contact des terminaisons olfactives du MOE. Ces caractéristiques arômatiques, sont souvent appelées flaveurs.
- La température des composés volatils et l'adjonction de salive, causent des modifications au produit et lui donnent un autre arôme que celle perçue par la voie orthonasale.

La voie rétro-nasale est plus développée chez les humains que chez les autres mammifères.
Ce caractère évolutif serait dû à la domestication du feu et à la révolution néolithique qui auraient favorisée la voie rétro-nasale, par la cuisson et la diversification alimentaire - épices, fermentation, fromages, vins… - (The Human Sense of Smell: Are We Better Than We Think ? 2004).

(Figure : vetopsy.fr d'après Sheperd)
Cette voie est essentielle car elle est amoindrie dans de nombreuses maladies, en particulier lors de rhinites. Chez le chat, les coryzas provoquent une perte d'appétit notoire à laquelle il faut remédier impérativement.
Certains décrivent d'autres voies mineures :
- la voie bucco-nasale qui permet le passage des molécules de la cavité buccale par le conduit naso-palatin (ou grand palatin) ;
- la voie internasale qui permet le passage d'une narine à l'autre d’une narine en empruntant le nasopharynx.
Les phénomènes de contact entre la molécule odorante et l'épithélium olfactif sont passifs.
Cependant, l'inspiration active permet d'explorer plus intensément l'environnement (cf. prédation ou perception phéromonale).
Rôle du mucus
Les molécules odorantes (ou odeurs) sont souvent hydrophobes. Elles doivent d'abord se lier à une protéine (Odorant Binding Protein ou OBP).
- La découverte de ces protéines, dans la lymphe sensillaire des antennes des insectes ou dans le mucus nasal des mammifères, optimiserait la réception des stimulus en facilitant leur solubilisation dans l’environnement aqueux qui entoure les neurones sensoriels.
- Cette acquisition représenterait une adaptation moléculaire à la vie terrestre, un phénomène de l'évolution qui serait indépendant chez les insectes et chez les mammifères.

(Figure : vetopsy.fr d'après Stepanenko et coll)
Chez les Vertébrés, vous pouvez étudier ces OBP, protéines exceptionnellent stables lors de dénaturation thermique ou de dégradation protéolytique : Mammalian odorant binding proteins (2000) et Structure and biotechnological applications of odorant-binding proteins (2014).
- Ces OBP appartiennent à la superfamille de lipocalines (The lipocalin protein family : structure and function 1996) protéines de transport comme la protéine de liaison du rétinol, β-lactoglobuline…
- Leur structure tridimensionelle comprend huit feuillets β (β sheet) antiparallèleset et un segment court α en hélice à proximité de l'extrémité C-terminale.
Chez les insectes, on peut lire Les péri-récepteurs chimiosensoriels des insectes (2002) ou An overview of odorant-binding protein functions in insect peripheral olfactory reception (2011).
Recepteurs olfactifs majeurs (OrR)
Classification
Les récepteurs olfactifs (OR) font partie de la famille des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés à une protéine-G (GPCR) .

(Figure : vetopsy.fr d'après Barios et coll)
Ces récepteurs olfactifs ont été découvert en 1991 par Linda Buck et Richard Axel (A Novel Multigene Family May Encode Odorant Receptors: A Molecular Basis for Odor Recognition), ce qui leur a valu le prix Nobel 2004 de physiologie ou de médecine.
Vous pouvez consulter HORDE (The Human Olfactory Data Explorer) qui est une database non uniquement humaine.
Chez les Vertébrés, on compte pas moins neuf groupes (α, β, γ, δ, ε , ζ, η, θ et κ), contant plus de 2100 gènes différents.
- Les groupes α et y (appelés aussi classe I et II respectivement) sont très majoritaires chez les tétrapodes.
- On en compte à l'heure actuelle plus d'un millier chez la souris (The mouse olfactory receptor gene family 2004).
Les autres groupes sont présents principalement chez le poissons et les amphibiens, ce qui montre une évolution liée à la vie terrestre (Evolutionary dynamics of olfactory receptor genes in fishes and tetrapods 2006).

(Figure : vetopsy.fr d'après HORDE)
On trouve aussi :
- une cinquantaine de récepteurs exprimés dans l'organe septal de Masera (Molecular Organization of the Olfactory Septal Organ 2004),
- 44 récepteurs dans l'organe voméronasal (Cells in the vomeronasal organ express odorant receptors but project to the accessory olfactory bulb 2006).
Ces récepteurs appartiennent aux récepteurs de classe I (α ) et de classe II (y). Les neurones, situés dans la couche apicale de l'OVN, se projettent sur des glomérules situés à la pointe rostrale du bulbe olfactif accessoire (AOB).
Mode d'action
À l'heure actuelle, les scientifiques sont généralement d'accord sur un certain nombre de choses.
1. Un neurorécepteur (OR) exprime, dans une grande majorité des cas, un seul de ces 1000 récepteurs.
- Ce récepteur est présent sur environ 10000 cellules olfactives.
- Les neurones exprimant plusieurs types de récepteurs se trouvent généralement dans l'une des quatre zones de l'épithélium olfactif (cf. plus bas).

(Figure : vetopsy.fr d'après Cockerham, Puche et Munger)
2. Le site de liaison est assez peu spécifique car une cellule olfactive peut être activée par plusieurs odeurs différentes et une même molécule odorante peut se fixer sur plusieurs récepteurs différents.
- Un " odotope " ou olfactophore correspond à un groupe de molécules qui peuvent se fixer sur un même récepteur (The scent of life. The exquisite complexity of the sense of smell in animals and humans 2007).
- Les reconnaissances des molécules odorantes par les récepteurs dépendent d'interactions dites faibles, soit hydrophobes, soit de Van der Walls, ce qui peut expliquer ce peu de spécificité.

La discrimination fine des odeurs dépend d'une combinaison de ces phénomènes, ce qui lui permet de reconnaître un nombre très élevé d'odeurs.

(Figure : vetopsy.fr d'après Barios et coll)
De légères variations de la structure d'une molécule odorante ou de sa concentration provoquent des modifications dans la combinaison des récepteurs (Combinatorial Receptor Codes for Odors 1999).
- Un petit calcul est idenfiant : supposons que chaque récepteur puisse reconnaître trois odeurs différentes. Or, nous savons qu'il en existe approximativement 1000, leur combinaison permettrait la discrimination d'un milliard de molécules différentes.
- De plus, les connexions entre les neurones olfactifs et le cerveau doivent être entretenues pour éviter leur disparition. Ainsi, on pourrait maintenir ces codages, même en l'absence de la molécule odorante particulière.
3. Un récepteur répond d'une manière différenciée selon la durée, la latence ou la fréquence de la décharge, dépendant de stimulation ou d'inhibition selon les différentes odeurs (Peripheral Odor Coding in the Rat and Frog: Quality and Intensity Specification 2000).

(MOE) de la souris
(Figure : vetopsy.fr d'après Mori et Buck)
4. L'épithélium olfactif peut-être subdivisé en quatres zones selon l'axe rostro-caudal de la cavité nasale et les récepteurs olfactifs spécifiques d'une odeur s'expriment dans une de ces quatres zones : A zonal organization of odorant receptor gene expression in the olfactory epithelium (1993) et Information processing in mammalian olfactory system (1996) et A Functional Map in Rat Olfactory Epithelium (1999) et Anatomy, histochemistry, and immunohistochemistry of the olfactory subsystems in mice (2014).
Les neurones exprimant plusieurs types de récepteurs se trouvent généralement dans l'une des quatre zones de l'épithélium olfactif qui se recouvrent partiellement et dans desquelles un récepteur olfactif donné semble être distribué de manière aléatoire (Continuous and Overlapping Expression Domains of Odorant Receptor Genes in the Olfactory Epithelium Determine the Dorsal/Ventral Positioning of Glomeruli in the Olfactory Bulb 2005).
Autres récepteurs olfactifs
On a retrouvé d'autres récepteurs couplés à une protéine G dans l'épithélium olfactif de nombreuses espèces.
Taar
1. Les Taars, oligo-récepteurs associésaux amines de trace, sont une famille de récepteurs couplés aux protéines G découverte en 2001 (Trace amine-associated receptors and their ligands 2006).
Ces Taar ne sont pas liés à des récepteurs olfactifs, mais sont similaires aux récepteurs des amines biogènes, telles que ceux de la sérotonine et de la dopamine. on les retrouve dans de nombreuses espèces (Evolution of Trace Amine–Associated Receptor (TAAR) Gene Family in Vertebrates: Lineage-Specific Expansions and Degradations of a Second Class of Vertebrate Chemosensory Receptors Expressed in the Olfactory Epithelium 2007).
On en retrouve 15 membres dont 14 sont exprimés dans l'épithélium olfactif de la souris (sauf TAAR1), mais pas coexprimés avec les récepteurs olfactifs " purs ".
mTAAR3, mTAAR4, mTAAR5, mTAAR7f se lient à des amines, composants naturels de l'urine de souris.
La β-phényléthylamine est un un ligand pour mTAAR4. Elle se trouve dans l'urine humaine et de rongeurs, où sa concentration augmente au cours des situations de stress (Excretion of beta-phenethylamine is elevated in humans after profound stress 1982).
L'isoamylamine et la triméthylamine se lient respectivement à mTAAR3 et mTAAR5. Ces deux amines sont plus concentrés dans l'urine des mâles que dans celle des femelles. Or, l'isoamylamine semble être une une phéromone qui accélère la puberté des souris femelles (Identification of puberty-accelerating pheromones in male mouse urine
)
Les TAAR5 ont été retrouvés récemment chez l'Homme (Human Trace Amine-Associated Receptor TAAR5 Can Be Activated by Trimethylamine 2013)
La stimulation de mTAARs semble donc intervenir dans la reconnaissance des sexes et le statut social d'un individu.
Ces résultats contribuent fortement à confirmer que l'épithélium olfactif principal est impliqué dans l'activation des réponses physiologiques et les comportements innés.
Chez la souris, ces TAAR sont aussi exprimés dans des neurones du ganglion Grueneberg.
Or, comme le nombre de neurones exprimant TAAR et VR2 est plus élevé pendant les périodes de développement comportemental qu'à l'âge adulte, on pense qu'ils pourraient être essentiels pour les interaction petits-mère (Expression of Trace Amine–Associated Receptors in the Grueneberg Ganglion 2007).
GC-D (guanylyl-cyclase-D)
A third class of receptors, sparsely distributed throughout the MOE of most vertebrates but not in primates, comprises the guanylyl-cyclace-D (GC-D) system; these cells project axons to the large necklace glomeruli in the MOB.
Récepteurs voméronasaux
V1R et V2R sont exprimés respectivement dans le MOE et le ganglion de ganglion Grueneberg.
Transduction olfactive
Mécanisme
Les substances odorantes transportées dans le mucus excrétées se fixent sur des récepteurs récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés à une protéine-G (Olfactory signalling in vertebrates and insects: differences and commonalities 2010).
1. La liaison des ligands au récepteur olfactif active la sous-unité de protéine G (Gαolf) qui stimule l'adényl-cyclase de type III (ACIII).
2. La stimultation de l'ACIII a pour conséquence d'augmenter la concentration d'AMPc à partir de l'ATP. (Pheromone Detection in Male Mice Depends on Signaling through the Type 3 Adenylyl Cyclase in the Main Olfactory Epithelium 2006).
Une voie mineure peut utiliser l'inositol triphosphate ou IP3 comme dans la transduction gustative.
3. L'AMPc ouvre directement les canaux nucléotides cycliques-dépendants (NCG) ciliaires composés de trois sous-unités : CNGA2, CNGA4 et CNGB1b (Regulation of cyclic nucleotide-gated channels 2005 et Cyclic Nucleotide-Gated Ion Channels 2002 et Cyclic nucleotide-gated ion channels in sensory transduction 2006).
Ces canaux ont d'abord été trouvés dans les photorécepteurs, puis dans les cellules olfactives et dans d'autres cellules nerveuses ou non. Ce sont des caux cationiques non sélectifs (Ca++) formés de quatre sous-unités.
Les photorécepteurs (bâtonnets et cônes) et les récepteurs olfactifs sont hétérologues (cf. figure ci-contre).
Chez les mammifères, une famille de six gènes codent pour :
- quatre sous-unités "A" : CNGA1 à CNGA4,
- deux sous-unités "B" : CNGB1 (a et b) et CNGB3.
Ils sont composés de :
- Six domaines transmembranaires (1 à 5),
- la boucle du pore est situé entre le domaine 5 et 6.
Les deux extrémités N- et C-terminales sont intracellulaires et contiennent des régions fonctionnelles pour la régulation du canal:
- le site de liaison du nucleotide cyclique, i.e. l'AMPc pour les récepteurs olfactifs, GMPc pour les photorécepteurs (bleu),
- les sites de liaison de la calmoduline calcium-indépendant (type IQ : jaune) et calcium-dépendant (type Baa : noir) qui sont portés par les sous-unités A4 et B1.
Un site dans CNGB3 manquant d'un résidu de signature critique d'une séquence d'IQ est représentée en gris. Les astérisques indiquent les sites les plus susceptibles, à ce jour, pour soutenir la régulation du canal physiologique (voir le texte pour les détails)

Un flux de de Ca++ (et de Na+) entre dans la cellule.
Conséquences
Cette entrée massive de Ca++peut produire deux processus contradictoires.
1. L'ouverture des canaux Cl- calcium-dépendants conduit à une sortie massive d'ions Cl-, qui a pour conséquence de provoquer la dépolarisation membranaire du récepteur, i.e. la production d'un ou de plusieurs potentiels d'action.
La voie de l'IP3 active des canaux cationiques non spécifiques.
2. Le Ca++ peut aussi se lier à la calmoduline (CaM) qui active :
- une phosphodiestérase (PDE1C2) dont le rôle est d'hydrolyser l'AMPc et, donc de l'inhiber,
- une phosphorylase CaMkII qui phosphoryle l'adényl-cyclase de type III.
Ce feed-back négatif sur le canal CNG lui-même abaisse sa sensibilité aux ligands, i. e. en favorise son adaptation (Mechanism of odorant adaptation in the olfactory receptor cell 1997 et Calcium signalling and regulation in olfactory neurons 1999).
Le Ca++ est extrudé par la Na+/Ca++ échangeur (Na/CAEX).

La dépolarisation active les potentiels d'action de l'axone olfactif.
La rafale de potentiel d'action est courte, car on assiste à une adaptation et une désensibilisation des récepteurs (The Electrochemical Basis of Odor Transduction in Vertebrate Olfactory Cilia 2008).
Ce processus diffère de celui des neurones sensoriels voméronasaux
Les filets olfactifs, formant le nerf olfactif (I), protoneurones, traversent la lame criblée et vont contacter les deutéroneurones du bulbe olfactif.
Bulbe olfactif
Sens chimiquesSens du goût (gustation)OlfactionCavité nasale et muqueuse olfactiveVoies olfactivesPerception phéromonaleOrgane voméro-nasal et voies ascendantesOlfaction du chienOlfaction du chatCommunication olfactive
- Vadurel A., Gogny M. - L'odorat du chien : aspect physiologiques et facteurs de variation - Point Vétérinaire, vol. 28, n° 181, 1997
- Marieb E. N. - Anatomie et physiologie humaines - De Boeck Université, Saint-Laurent, 1054 p., 1993
- Rosenzweig M.R., Leiman A.L., Breedlove S.M. - Psychobiologie - DeBoeck Université, Bruxelles, 849 p., 1998
- Kahle W., Leonhardt H., Platzer W., Cabrol C. - Anatomie, 3, Système nerveux et organes des sens - Flammarion Médecine-Sciences, Paris, 372 p., 1998
- Barone R. - Anatomie comparée des mammifères domestiques, Tome 3, Spanchnologie I - Vigot, Paris, 854 p., 1997
- Bourdelle E., Bressou C. - Anatomie régionale des animaux domestiques, IV, Carnivores, Chien et chat - Baillière et fils, Paris, 502 p., 1953
- Leroy Y. - L'univers odorant de l'animal - Boubée, 375 p., 1987