Fonctionnement cérébral
Réseau du mode par défaut (DMN ou Default Mode Network)

Généralement, le réseau du mode par défaut est un mode de fonctionnement cérébral, i.e. le cerveau est au repos, mais actif et il n'est accaparé par aucune tache précise ou focalisé sur le monde extérieur.
Ce réseau du mode par défaut (ou DMN pour Default Mode Network) serait actif pendant le repos dit passif et l'errance mentale (mind-wandering).
L'errance mentale (parfois appelée pensée non liée à une tâche ou, familièrement, " pilote automatique ") est l'expérience de pensées qui ne restent pas sur un seul sujet pendant une longue période, en particulier lorsque les gens sont engagés dans une tâche exigeante en attention (A default mode of brain function 2001 et Resting-State Functional MRI: Everything That Nonexperts Have Always Wanted to Know 2018).

Par contre, les avancées récentes remettent en question cette vision " négative " du DMN et il joue un rôle intégrateur dans la cognition (cf. plus bas).
Deux réseaux fonctionnels (DMN et TPN)

(Figure : vetopsy.fr d'après Spreng)
Lorsque l'on réalise des tâches dirigées vers un objectif, comme l'attention visuelle ou les tâches de mémoire de travail cognitive, la neuroimagerie montre que l'activité cérébrale, dans les réseaux dit de repos (RSN ou Resting-State Networks) peut être différente (The human brain is intrinsically organized into dynamic, anticorrelated functional networks 2005 et Antagonistic neural networks underlying differentiated leadership roles 2014) :
- 1. un réseau dit à " tâches positives " (TPN ou Task-Positive Network), dans lequel l'activité cérébrale est sensiblement supérieur à la ligne de base ;
- 2. un réseau de mode par défaut (DMN), qui avait été considéré, au départ, comme à " tâches négatives " (TNN ou Task-Negative Network), car l'activité cérébrale, dans certaines tâches, est sensiblement inférieure à la ligne de base, d'où sa nomination.

Cette dichotomisation des réseaux fonctionnels semble impliquer que le réseau par défaut n'est pas engagé dans des processus cognitifs actifs.
Ces deux grands réseaux cérébraux fonctionnels sont révélés être des biomarqueurs précis :
- pour différents états de conscience,
- pour de nombreuses psychopathologies comme la maladie d'Alzheimer et d'autres démences séniles (
rôles des astrocytes), la schizophrénie, la dépression, l'hyperactivité et les troubles de l'attention… liées à des modèles d'activation anormaux des RSN sous-jacents (Clinical applications of resting state functional connectivity 2010 et Resting-state functional connectivity in neuropsychiatric disorders 2008).

(Figure : vetopsy.fr)
Pour se faire une idée vraiment très générale, l'activation du DMN ou du TPN est le résultat du type de réflexion qu'une personne s'engage pour accomplir une tâche donnée, quelles qu'elles soient, extérieure ou intérieure ( dualité DMN/TPN)
- Lorsqu'une personne s'engage dans une tâche non sociale exigeante sur le plan cognitif, l'objectif sera plutôt analytique. Dans ce cas, le TPN aura plus tendance à être activé et le DMN plus tendance à être désactivé.
- Lorsqu'une personne s'engage dans une tâche qui implique la mentalisation et/ou la réflexion sur la signification affective, son objectif aura plutôt un rôle social et/ou relationnel. Dans ce cas, le DMN aura plus tendance à être activé et le TPN plus tendance à être désactivé.
Toutefois, ces réseaux travaillent en coopération les uns avec les autres et réalisent un type de traitement cognitif différent de l'empathie pure ou du raisonnement analytique pur et reflètent plutôt des positions cognitives flexibles qui peuvent être déployées en fonction des attitudes et du rôle adoptés par l'individu
Avancées récentes sur le réseau du mode par défaut (DMN)
1. Des études récentes remettent en question la vision " négative "du DMN (The Fallacy of a “Task-Negative” Network 2012).
- Le DMN comprend au moins deux réseaux fonctionnellement et anatomiquement distincts qui jouent des rôles très différents dans la cognition (
anatomie du DMN).
- Le DMN n'est pas " à tâches négatives " en soi, mais est, selon la nature de la tâche, est plutôt engagé dans la cognition. Par exemple, des tâches externes orientées vers un objectif, telles que la mémoire de travail sociale ou une tâche autobiographique, activent le DMN.
- Les deux réseaux du DMN interagissent de manière flexible en fonction des exigences des tâches et sont impliqués dans la fonction exécutive.

(Figure : vetopsy.fr d'après Sormaz et coll)
Alors pourquoi, cette désactivation dans certaines tâches ?
- La suppression du DMN servirait à réduire le traitement non pertinent lors des tâches sensorielles intensives (Default mode network gates the retrieval of task-irrelevant incidental memories 2011).
- Une autre hypothèse relie ce processus à l'immobilisation du patient. En effet, le cobaye, attaché en décubitus dorsal sur une civière, est inséré, par un tunnel étroit, dans une structure métallique massive. Cette procédure crée un sentiment d'enfermement. L'immobilisation, dans une thèse récente, serait relié à la théorie de l'esprit (Theory of Mind: Towards an Evolutionary Theory 2017).
2. Le DMN joue un rôle intégrateur dans la cognition (Default mode network can support the level of detail in experience during active task states 2018).
- Le DMN se trouve au sommet de la hiérarchie corticale et il est quelque peu isolé des systèmes directement impliqués dans la perception et l'action.
- Le DMN prendrait en charge des représentations abstraites dérivées de niveaux hiérarchiques inférieurs et pourrait ainsi participer à un paysage cognitif plus large.
Lorsque les gens regardent un film (Enhanced Intersubject Correlations during Movie Viewing Correlate with Successful Episodic Encoding 2009), écoutent une histoire (Topographic Mapping of a Hierarchy of Temporal Receptive Windows Using a Narrated Story 2011) ou lisent une histoire (Selective and Invariant Neural Responses to Spoken and Written Narratives 2013), leur DMN est fortement sollicité.
- Par contre, si les histoires sont brouillées ou sont dans une langue que la personne ne comprend pas, le DMN est décorrélé ce qui suggère que le réseau est fortement impliqué dans la compréhension et la formation de la mémoire subséquente à cette histoire (Dynamic reconfiguration of the default mode network during narrative comprehension 2016).
- Le DMN est même corrélé si la même histoire est présentée à différentes personnes dans différentes langues, suggérant en outre que le DMN est véritablement impliqué dans l'aspect compréhension de l'histoire et non dans l'aspect auditif ou linguistique (Not Lost in Translation: Neural Responses Shared Across Languages( 2012)
Le DMN serait lié à la perception de la beauté, dans laquelle le réseau est activé de manière généralisée à des domaines esthétiques tels que les œuvres d'art, les paysages et l'architecture. Cela expliquerait un profond sentiment intérieur de plaisir lié à l'esthétique, interconnecté avec le sens de l'identité personnelle, dû aux fonctions de réseau liées au soi (The default-mode network represents aesthetic appeal that generalizes across visual domains 2020).
3. En outre, pendant les tâches exigeantes en attention, le DMN joue un rôle important dans l'encodage de la mémoire pour une bonne consolidation de la mémoire à long terme.

Les relations entre DMN et mémoire sont étudiées dans un chapitre spécial ( DMN et mémoire).
Fonctions du DMN
Le réseau en mode par défaut (DMN) est impliqué dans de nombreuses fonction (The Brain’s Default Network and its Adaptive Role in Internal Mentation 2012).
1. C'est la base neurologique du " soi " qui ouvre sur :
- les informations autobiographiques, i.e. souvenirs des événements et des faits sur soi ;
- l'auto-référence, i.e. se référant aux traits et aux descriptions de soi ;
- l'émotion de soi, i.e. réflexion sur son propre état émotionnel.

(Figure : vetopsy.fr d'après Andrews-Hanna)
2. C'est le réseau du " penser aux autres " qui nous renseigne sur :
- la théorie de l'esprit, i.e. réfléchir aux pensées des autres et à ce qu'ils savent ou non ;
- les émotions des autres, i.e. comprendre les émotions des autres et entrer en empathie ou en sympathie ;
- le raisonnement moral, i.e. savoir si une action est juste ou injuste ;
- les évaluations sociales, i.e. les concepts sociaux sont-ils bons ou mauvais ;
- les catégories sociales, i.e. réflexion sur les caractéristiques sociales importantes et le statut d'un groupe.
3. C'est aussi les bases neurologiques du " souvenir du passé " et " penser à l'avenir " :
- se souvenir du passé, i.e. se souvenir des événements qui se sont produits dans le passé ;
- imaginer l'avenir, i.e. envisager des événements qui pourraient se produire dans le futur ;
- base de la mémoire épisodique, i.e. mémoire détaillée liée à des événements spécifiques dans le temps ;
- base de la compréhension de l'histoire, i.e. comprendre et se souvenir d'un récit.
Anatomie du DMN
Système nerveuxSystème nerveux centralMoelle épinièreBulbe rachidienPontMésencéphaleFormation réticuléeCerveletDiencéphaleTélencéphaleLobe frontalLobe pariétalLobe temporalLobe occipitalLobe insulaireLobe limbiqueSystème limbiqueSystème nerveux périphériqueNerfs crâniensNerfs spinaux (rachidiens)Système nerveux autonomeSystème sympathiqueSystème parasympathiqueCytologie du SNEmbryologie du SNNeurophysiologie
- Barone R. - Anatomie comparée des mammifères domestiques : Tome 6, Neurologie I, sytème nerveux central - Vigot Frères, 652 p., 2004
- Kahle W. - Anatomie, Tome 3 Système nerveux et organes des sens - Flammarion Médecine-Sciences, 423 p., 2007
- Marieb E. N. - Anatomie et physiologie humaines - De Boeck Université, Saint-Laurent, 1054 p., 1993
- Rosenzweig M.R., Leiman A.L., Breedlove S.M. - Psychobiologie - DeBoeck Université, Bruxelles, 849 p., 1998
- Purves D., Augustine G.J., Fitzpatrick D., Katz L.C., Lamantia A-S, McNamara J.O., Williams S.M. - Neurosciences - De Boeck, 800 p., 2003
- Kolb B., Whishaw I. - Cerveau et comportement - De Boeck, 646 p., 2002
- Bear M.F., Connors B.W., Paradiso M.A. - Neurosciences : à la découverte du cerveau - Masson-Williams, 654 p, 1997